Paris 1752… la saga !
Episode 6 – Jeudi 27 juillet, La Compagnie du Pianoforte
Un salon musical à Paris à l’époque de Mozart
La Compagnie du Pianoforte, Nicole Tamestit et Pierre Bouyer
Piano-forte ou forte-piano ? Le forte-piano désigne plutôt les instruments fabriqués avant 1830 selon la terminologie européenne, et le piano-forte, ce qui sera le piano du XIXème siècle. On passe des cordes pincées du clavecin aux cordes frappées. Révolution technique qui permet plus de nuances dans l’interprétation.
C’est au début du XVIIIème siècle que, à Dresde et à Florence avec Bartolomeo Cristofori (1655-1731), on projette les marteaux recouverts de cuir ou de feutre sur les cordes, le son est alors produit par percussion et non pincement. Il devient plus souple, permet le crescendo et le decrescendo. Bach lui donnera son agrément après de nombreuses mises au point. Mozart en deviendra un adepte et Beethoven l’adoptera en 1818. Tous les facteurs viennois, anglais ou français rivaliseront d’ingéniosité pour le perfectionner ensuite.
Mais revenons à nos compositeurs car nombre d’entre eux s’y intéresseront et composeront pour ce nouvel instrument.
Jean-François Tapray, 1738 – 1822
Né, en Lorraine, dans une famille de musiciens et organistes réputés, il est formé par son père, Jean. Il se fait entendre, dès son jeune âge, à la Collégiale de Dôle, où il est nommé organiste, puis, plus tard, à Besançon. Devenu expert consulté à l’occasion de travaux sur des orgues, comme Bach, il acquiert une renommée qui le fait recommander au poste de premier organiste titulaire des orgues de l’École royale militaire de Paris. Il prend possession de ce poste prestigieux dans cette institution fondée en 1751, par Louis XV qui s’était adressé à Ange-Jacques Gabriel pour l’architecture et dont les orgues avaient été confiées à Adrien Lépine.
C’est à la même époque que, tout en étant professeur de clavecin recherché par la bonne société, il l’enseignera à la fille de Grétry. Il s’enthousiasme pour le pianoforte et lui consacre une méthode et des compositions.
En 1786, pour des raisons de santé, il quitte ses fonctions et se consacre à examiner et réparer des instruments, enseigner, diriger des concerts pendant la Révolution. Il laisse une œuvre assez conséquente, une trentaine d’opus, dont des sonates pour pianoforte et violon ou violoncelle que nous entendrons.
On ne sait pas exactement la date de sa mort que l’on situe vers 1819.
Hommage à Rameau : Les Sauvages
Symphonie pour le clavecin avec orchestre
Jean-Frédéric Edelmann, 1749 – 1794
Issu d’une famille protestante de facteurs de clavecin, il reçoit une formation générale au lycée de Strasbourg avec son ami de Dietrich dont le père l’aide financièrement. Ils poursuivent ensemble des études de droit à l’Université protestante mais Jean-Frédéric se dirige vers une carrière de musicien. Ils se passionnent tous deux pour les idées nouvelles de l’Europe des Lumières.
Il s’installe à Paris en 1774 où il se fait connaître comme compositeur, claveciniste et professeur de clavecin et pianoforte. Il est très recherché. Mozart jouera de ses compositions et il se lie avec Gluck qui lui recommande son élève Etienne Mehul et Jean-Louis Adam (le père d’Adolphe Adam, l’illustre compositeur de musique de ballets dont Giselle et de l’Opéra-comique, Le Postillon de Longjumeau au succès européen).
Entre 1775 et 1789, il publie de nombreuses œuvres pour le clavecin et le pianoforte, 4 opéras, un oratorio.
Il retourne à Strasbourg en 1789 où son ami de Dietrich est devenu maire de Strasbourg. Lui-même est nommé administrateur du Bas-Rhin. Il compose à la demande de de Dietrich un hymne pour la Fête de la Fédération, qui eut un grand succès. Le Chant de guerre de l’Armée du Rhin est créé chez le maire en 1792, il deviendra la Marseillaise. Alors, Edelmann est-il le compositeur de la Marseillaise ????
Grétry écrit à Rouget de Lisle : « Votre hymne est chanté dans tous les spectacles, mais, à propos, vous ne m’avez pas dit le nom du musicien. Est-ce Edelmann ? » Nous n’aurons jamais la réponse à cette question mais beaucoup de supputations !
La politique est toujours plus risquée que la musique et, en ces périodes révolutionnaires, il est difficile d’être du bon côté au bon moment ! Edelmann et son frère Geofrey-Louis, organiste, facteur d’orgues et de clavecins, sont membres de le Société des Amis de la Constitution. Mais leurs opinions vont diverger après la fuite du Roi à Varennes. Edelmann est républicain, jacobin, son frère, monarchiste constitutionnel. La Monarchie est abolie et la République proclamée en 1792 après la victoire de Valmy.
De Dietrich, opposé à la République, est arrêté, jugé, acquitté… mais pas pour longtemps. Il est conduit à Paris où il sera guillotiné en 1793.
Edelmann et son frère, accusés de trahison, pour avoir soutenu de Dietrich et donc d’être des contre-révolutionnaires seront guillotinés en 1794, peu de temps avant la fin de la Terreur.
Ils seront exécutés avec 2 autres Strasbourgeois et les Carmélites de Compiègne dont le martyr donnera lieu à un chef d’œuvre musical, l’opéra le Dialogue des Carmélites de Francis Poulenc en 1957.
Quatuor en ré majeur avec piano
Hyacinthe Jadin, 1776 – 1800
Encore une vie bien courte… qui sied à un pré romantique ! Notre « petit Schubert » ?
La musique est une affaire de famille chez les Jadin. Après avoir quitté la Belgique, le père est engagé comme musicien à la Cour, à la Chapelle royale comme basson. Il forme ses 5 fils dont, le plus jeune, Hyacinthe, qui compose à 9 ans un Rondo pour clavecin.
Brillant musicien, il est nommé professeur à 19 ans au tout nouveau Conservatoire de Paris et se produit au Concert Spirituel. Avec son frère aîné Louis-Emmanuel, il rejoint le Théâtre de Monsieur, frère du Roi, puis ils sont enrôlés dans la Garde nationale, participant aux célébrations révolutionnaires.
Ses premières publications de Sonates pour clavier avec accompagnement de violon datent de 1794. Il commence à être reconnu du public comme compositeur et surtout comme pianiste mais il contracte la tuberculose et ne peut rejoindre l’armée napoléonienne. Il meurt en 1800, à 24 ans après un dernier concert à Versailles.
Il n’eut pas le temps de produire beaucoup, outre un « Hymne à l’agriculture » et quelques pièces vocales, des motets, on lui doit des opéras et quelques concertos pour piano, des œuvres de chambre, trios et quatuors, sonates pour violon et piano et quelques sonates pour piano seul. C’est dans ses œuvres pour piano que l’on peut le mieux remarquer son tempérament sensible de « romantique », leur tonalité mineure, leur découpage en 3 mouvements de contenu exalté, fougueux ou apaisé.
Sonate en fa dièse mineur par Jean Claude Pennetier (pianoforte)