Paris 1752… la saga !

Episode 3 – Lundi 24 juillet, Reinoud Van Mechelen et a nocte temporis

Joseph Legros – Gluck et les compositeurs de la seconde moitié du XVIIIème sièclee

a nocte temporis, direction Reinoud Van Mechelen

« a nocte temporis », depuis la nuit des temps, enfin, pas tout à fait ! Le XVIIIème siècle, ce n’est pas si loin ! Avec Reinoud Van Mechelen et ses musiciens nous allons découvrir ces compositeurs si appréciés au milieu du siècle que Joseph Legros interpréta pour Louis XV, Louis XVI, et surtout Marie-Antoinette, véritable « ministre de la Culture » du règne de son époux !

Joseph Legros, 1739 – 1793

Joseph Legros, ce chanteur et compositeur français fut une immense vedette de la scène lyrique parisienne.

Il naît dans l’Aisne près de Laon en 1739.

Sa formation musicale se fait à l’église en tant qu’enfant de chœur puis il est engagé comme musicien à la cathédrale de Beauvais comme voix de « haute-contre », c’est à dire de ténor aigu, puis à Reims. Il se marie en 1762 avec une chanteuse. Il arrive à Paris en 1764 au Concert Spirituel où il restera 20 ans !

Joseph Legros – Gravure par Leclerc 1770

Sa carrière est lancée ! Il chante avec les plus célèbres chanteurs de son temps, les motets en solo ou en chœur, les oratorios, et les opéras de Dauvergne, Gossec, Rigel, Sacchini, Piccinni, Jomelli, et bientôt Rameau, Lully et surtout Gluck.

Il perd sa première épouse, se remarie avec une autre chanteuse avec laquelle il se produit en concert. Sa situation matérielle est de plus en plus prospère. Il commence à composer. Il devient pensionnaire du Roi et de l’Académie royale de Musique.

Jéliote, la haute-contre de Rameau, s’est retiré ; Legros en est le successeur et aussi demandé dans ces années 1770 où il chante non seulement dans les tragédies lyriques de Rameau mais dans nombre des Opéras français de Gluck, dont Iphigénie en Aulide, Alceste, et Iphigénie en Tauride. Gluck adapte pour lui en français son Orfeo ed Euridice qui devient Orphée et Eurydice, aux airs vertigineux que l’on connaît !

Soutenu par la Reine, il est nommé à la tête du Concert Spirituel en 1777. Très ouvert, il y accueille des chanteurs, compositeurs, musiciens et interprètes de toute l’Europe, et forme de jeunes musiciens. Il reçoit Mozart à Paris en 1778, auquel il commande une première Symphonie… qu’il ne fait pas jouer, puis une deuxième, la K297, appelée « Parisienne » qui aura alors un certain succès.

Il incarne Atys de Piccinni en 1781, mais en 1783, il invoque sa santé fragile et… son embonpoint pour renoncer à l’opéra.

Il meurt à La Rochelle le 20 Décembre 1793.

Avec Christoph Willibald Gluck et sa Réforme, nous changeons de querelle !

Dans la querelle qui opposa Rameau et Lully, Rameau réclame de ses interprètes qu’ils soient surtout des chanteurs et non pas des acteurs !

Pour qui a vu Platée, créé en 1745 à Versailles, repris en Juin 2022 à l’Opéra de Paris avec Reinoud Van Mechelen en Mercure descendant de l’Olympe revêtu d’argent, la production de Laurent Pelly a offert un éclatant démenti à ce jugement émis à l’époque en raison de la rivalité des deux musiciens de la Cour à Versailles et des acrobaties vocales qui leur étaient demandées ! Les chanteurs s’y sont montrés aussi excellents acteurs qui nous ont fait applaudir cette histoire de grenouille naïve et en cela bien touchante encore… au XXIème siècle !!!

Gluck par Joseph Duplessis (1775)

Rivalité suivante, nous avons assisté à la Querelle des Bouffons entre tenants de la musique française (Rameau encore) et ceux de la musique italienne (Pergolèse) dans les années 1750 avec la victoire à la Pyrrhus ou à la Louis XV… des Français en 1754 !

20 ans plus tard…on recommence avec Gluck et Piccinni !

A qui doit-on ces affrontements musicaux ? A Gluck, principalement, dont la « Réforme » musicale a, de nouveau, déchaîné les passions !

De quelle réforme parle-t-on ? Nous arrivons dans les années 1770.

 Ce rude Bavarois au visage large et tavelé, corpulent, proche de la nature, et au caractère trempé mais jovial après quelques verres de vin, a parcouru des kilomètres en Europe : Milan, Londres, Naples, Dresde, Vienne, Paris… d’où il retiendra toutes les influences.  Esprit ouvert aux idées nouvelles des Encyclopédistes, il saura allier le charme de l’opéra italien qui leur plaisait tant, à la mélodie, la romance chère à Rousseau et à l’opéra-comique français qui venait de naître.

1762, sa Réforme débute avec Orfeo ed Euridice créé à Vienne, puis avec Alceste en 1769, avec son librettiste Calzabigi, il annonce vouloir s’inspirer de… l’opéra français de Lully !!! Il veut mettre fin aux intrigues sans intérêt, à la virtuosité pour la virtuosité, aux roulades, aux caprices des interprètes ! Il veut du naturel, de la subtilité, de la simplicité, du cœur et surtout des effets dramatiques ! Il procède en homme de théâtre.

Invité par Marie-Antoinette, dont il fut le professeur, il arrive à Paris en 1773 avec femme et fille !

1774, Iphigénie en Aulide, où fait extraordinaire, la Dauphine applaudit !

1777 : Armide! Livret de Quinault… déjà mis en musique par Lully, car sa référence est la tragédie grecque !

Sans oublier son Orphée et Eurydice passé de l’italien au français avec Legros… qui fait se pâmer Rousseau qui avait tant critiqué notre langue.

En 1779 et en 1781, deux Iphigénies en Tauride s’affrontent ! Celle de Gluck en premier, son chef d’œuvre absolu puis celle de Piccinni, qui, même chantée par Legros, ne pourra l’emporter… malgré le soutien, outre de Marmontel, de la Du Barry !

Gluck retourne à Vienne après un échec, celui d’Echo et Narcisse quelques mois après le succès d’Iphigénie en Tauride. Il meurt en 1787 à Vienne.

A quoi tient sa réforme ? Dans la continuité, dans le passage incessant de l’air au récitatif qui permet la tension dramatique ainsi que dans la multiplication des petits airs qui sont de véritables lieder qui parlent au cœur par l’union étroite entre les paroles et le chant.

L’art de Gluck est profondément humain, ses héros sont des hommes et en cela nous touchent plus que des héros mythologiques.

« Gluck a brisé l’italianisme en s’en servant, il a brisé l’ancien opéra français en l’élargissant. » Romain Rolland (1866-1944)

Jean-Benjamin de la Borde, 1734 – 1794

Lors de ce concert par « a nocte temporis », nous n’écouterons pas seulement du Gluck mais aussi du Jean-Benjamin de la Borde !

Le connaissez-vous ? Sans doute pas très intimement…mais quel personnage intéressant !

Portrait par Louis Carrogis de Carmontelle (1762)

On découvre qu’un fermier général de Louis XV, peut avoir plusieurs vies… mais en perdre au moins une, en étant… guillotiné !

Il naît en 1734, d’un père financier devenu fermier général, cela l’a bien aidé pour commencer sa carrière dans le monde de la finance et dans le « monde » tout court, car il est un lointain cousin de La Pompadour qui le présente au Roi dont il deviendra un intime, logé par lui aux Tuileries en tant que Premier valet de Chambre.

Il profite de la vie brillante et libertine de la Cour où il se ruine au jeu et en dépenses somptuaires… non financées. Il a pour maîtresse « La Guimard », danseuse célèbre de l’Opéra, dont il aura une fille.

Formé par Rameau à la composition, et musicien passionné, il se lance dans l’écriture de nombreuses œuvres, certes jouées à la Cour mais, en général, assez médiocres, souvent sifflées… comédies, vaudevilles, pastorales, opéras comiques tel « Le chat perdu et retrouvé » (!) dont le livret est aussi de lui ou la « Chercheuse d’esprit » dont le livret est de Favart ! Les critiques ne l’épargneront pas ! Le baron Grimm jugera sa musique « assommante et baroque, sans génie, sans goût, sans idées ». Et Rameau rajoutera : « Il est très savant en musique, mais n’a ni génie ni talent » !

Les plaisirs n’ayant qu’un temps et la protection de Louis XV s’étant éteinte avec lui, il lui a fallu redevenir Fermier Général, ce qui lui  assura, tout de même, des rentes confortables et apparemment suffisamment de temps pour se consacrer à l’écriture et l’édition avec une vingtaine de livres sur l’histoire et la musique. Cela ne lui épargnera pas la guillotine le 22 Juillet 1794, lui qui avait écrit dans ses « Pensées et Maximes » en 1791 : « Deux lois gouvernent le monde : la loi du plus fort et celle du plus fin » ! La première ne l’a pas épargné !

Pierre-Montan Berton, 1727 – 1780

“Telle était la confiance de Gluck dans les talents de Berton, qu’il lui laissa le soin de refaire le dénouement de son Iphigénie en Aulide tel qu’on l’a toujours exécuté depuis.”
(Biographie de Berton par M. Michaud)

Sans Berton et ses multiples compétences, Gluck n’aurait pas pu faire exécuter correctement ses œuvres !

En effet, musicien capable, dès l’enfance, de jouer de l’orgue comme de composer, il s’essaya au chant avec moins de succès et devint par la suite chef d’orchestre à Bordeaux. De là, il postule à Versailles, devient Directeur de l’Académie royale en 1767 avec Trial. Louis XV le nomme violoncelliste de la Chambre du Roi. Il continue sa carrière à Paris, où il devient en 1774, administrateur général à l’Opéra, puis directeur en 1780. Il compose et travaille avec Lully, Campra, Desmarets et Rameau dont il enrichit les œuvres par des ballets et des chœurs. Mais surtout il permet à Gluck, par ses talents de chef d’orchestre exceptionnel, d’introduire sa réforme devenue indispensable grâce à l’organisation et la discipline qu’il était seul à pouvoir faire respecter à son époque faisant sortir les musiciens de leur routine et de leur apathie.

Il souhaita diriger la représentation de la reprise de Castor et Pollux de Rameau en 1780 malgré une bronchite qui empira et il mourut huit jours plus tard le 14 Mai.

Un épisode de sa carrière est particulièrement intéressant à souligner pour le thème du Festival : il eut l’idée de réunir en un dîner… Gluck et Piccinni qui, après une accolade assez froide, furent placés l’un à côté de l’autre ! Cela n’empêcha pas leur rivalité d’éclater au grand jour par la suite !!!

Jean-Claude Trial, 1732 – 1771

Il faut associer au nom de Berton, celui de Trial !

En effet ce violoniste de formation est aussi compositeur mais surtout co-directeur de l’Opéra de Paris avec Pierre Montan Berton de 1767 à 1771, et il a, comme lui, Rameau pour maître. Il est aussi directeur avec Berton de l’Académie royale.

Ensemble, ils composent deux pastorales, « Sylvie » et « Théonis ».

Jean-Claude Trial compose un opéra-comique, « le Tonnelier » avec Gossec, Philidor et Schobert et des comédies avec ariettes.
Compositeur du Prince de Conti, il écrivit des cantates pour ses concerts.

Il est aussi le frère d’une célèbre haute-contre de la Comédie italienne, Antoine Trial.

François-Joseph Gossec, 1734 – 1829

Où l’on retrouve Rameau soutenant un jeune musicien fraîchement débarqué de son Hainaut natal à Paris. Il l’introduit chez son « protecteur », mécène dirait-on aujourd’hui, Alexandre Le Riche de la Pouplinière. Fermier général collectionneur, grand amateur de musique, il crée un orchestre sous la direction de Rameau d’une dizaine de musiciens qu’il entretient. Les soirées sont nombreuses et brillantes et l’on y verra Voltaire, Rousseau, Quentin de La Tour, Vaucanson, Grimm et quelques futurs encyclopédistes ainsi que des actrices, des danseuses, des peintres. Il s’illustre aussi par un traité de libertinage, « Tableaux des mœurs du temps dans les différents âges de la vie » illustré d’images explicites, saisi par le Roi mais demeuré célèbre depuis ! Gossec fera donc partie de cet orchestre en tant que violoniste et continuiste.

Portrait de Gossec par Antoine Vestier (1791)

A la mort de la Pouplinière, il rentre au service du Prince de Conti puis du Prince de Condé, compose, fonde le Concert des Amateurs en 1769, où il dirige une symphonie de Haydn jouée pour la première fois en France. En 1763, il écrit une symphonie périodique qui paraît en feuilleton ! Il est considéré comme le père de la Symphonie française.

On lui confie des postes de responsabilités : de 1773 à 1777, il est co-directeur du Concert Spirituel qu’il réorganise. Son premier opéra est donné à Versailles. Il collabore avec Gluck sur son Alceste, et à la suite du départ de celui-ci de Paris, il peut enfin prendre toute sa place en tant que compositeur.

Il devient Directeur de l’Opéra en 1782, puis dirige l’École royale de chant, futur Conservatoire de Paris avec Méhul, Grétry, Lesueur et Cherubini comme inspecteurs !

Il soutient le mouvement révolutionnaire et compose une vingtaine d’œuvres à sa gloire telles qu’un Te Deum pour la fête la Fédération du 14 Juillet en 1790, en 1792 l’Hymne à la liberté, le Triomphe de la République ou le Camp de Grandpré pour célébrer Valmy en 1793, des hymnes à l’Égalité, la Nature, l’Être Suprême etc… Les Révolutionnaires lui seront reconnaissants : il entre à l’Institut en 1795, et devient le compositeur officiel de la Révolution !

Mais il sera aussi honoré par Napoléon avec la Légion d’honneur dès la création de l’Ordre.

On lui doit 160 œuvres musicales, une quinzaine d’opéras dont Sabinus (1773), Berthe (1775), Thésée (1782), 50 Symphonies, de la musique de chambre, les « Principes élémentaires de Musique » (1800) des solfèges, une méthode de chant et avant de devenir acquis à la cause révolutionnaire, de la musique religieuse un oratorio de la Nativité et une Grande messe des morts en 1760 qui aurait inspiré Mozart et Berlioz pour leurs requiems. A la fin de sa vie, en 1813, sous la Restauration, il compose la Dernière messe des vivants et un Te Deum en 1817. Il meurt à 95 ans.

André-Ernest-Modeste Grétry, 1741 – 1813

Originaire de Liège, fils d’un musicien d’église, il chante la messe tous les dimanches pendant 10 ans et fréquente toutes les églises de sa ville.

Sans doute, cela lui a-t-il donné le goût du voyage pour découvrir le monde !

Sur les conseils d’un chanoine, il part pour Rome… à pied et en compagnie d’un… contrebandier mais aussi d’un jeune abbé et d’un chirurgien, toutes sortes de relations qui peuvent servir. Il y arrive en 1760 et y reste 5 ans. Là, il reçoit une sérieuse formation musicale dont l’enseignement du Père Martini, qui sera aussi le maître de Mozart. Il compose des motets, des quatuors, un De profundis et, Italie oblige, il se dirige vers l’opera buffa.

Portrait par Elisabeth Vigée-Lebrun (1785)

Au retour vers Paris, il s’arrête chez Voltaire quelques temps à Ferney Celui-ci semble apprécier sa compagnie et ses compositions pour les fêtes qui y sont données.

En 1767, il regagne Paris avec les lettres de recommandation de Voltaire qui lui ouvriront quelques portes ! Celle de la Harpe, l’abbé Arnaud, Hubert Robert !

Dès 1768, il triomphe assez vite avec « le Huron » puis avec « Le tableau parlant » encensé par Grimm, et surtout Zémire et Azor en 1771, dédié à la Du Barry, exécuté devant Louis XV, pour le mariage du Comte de Provence (futur Louis XVIII) et Marie-Joséphine de Savoie. Succès inouï, grâce au chanteur Clairval, aux superbes décors et aux grands danseurs dont Melle Guimard.

Grétry défend la suprématie du chant sur le livret, selon lui, « il ne faut pas que le piédestal brille aux dépens de la statue ».

Compositeur à la mode, avec ses librettistes Marmontel et Sedaine, il collectionne les succès ! « La Caravane du Caire » dépassera 500 représentations. En 1785, « Richard-Cœur-de-Lion » un autre grand succès, 485 représentations, deviendra le plus connu des opéras comiques du XVIIIème siècle. Un air sera repris par Tchaïkovsky dans la Dame de Pique et un autre par Offenbach !

Grétry devient « Directeur de la musique particulière de la Reine » Marie-Antoinette.

Comme le rappelle Mme Campan, femme de chambre de la Reine, celle-ci « aimait beaucoup la musique de Grétry, si analogue à l’esprit et au sentiment des paroles que le temps n’a pu en diminuer le charme ».

Grétry survivra fort bien sous la Révolution ! Il compose des œuvres de circonstances, telle que « La Rosière républicaine » … « Joseph Barra ». Comme Gossec, il est nommé membre de l’Institut et inspecteur au Conservatoire.
Il passe sans problème à l’Empire car Napoléon trouve « Zémire et Azor » divin ! Il est même représenté sur le tableau du Sacre par David. Il est aussi apprécié à la Malmaison.

Sa musique accompagnera les victoires comme la retraite de Russie.

Très éprouvé par les nombreux deuils dans sa famille, ses trois filles puis son épouse, Il se retire à partir de 1803 à Montmorency.

Il meurt en Septembre 1813 à 72 ans. Sa célébrité lui vaudra des obsèques grandioses, des statues et des rues !

Zémire et Azor sera joué à Paris en 1994, Céphale et Procris en 1995 à Compiègne. Le bicentenaire de sa mort en 2013 verra ses œuvres remises à l’honneur en Belgique comme en France avec des représentations et des enregistrements nombreux.

Et voilà Reinoud Van Mechelen en « Richard »! De cape et d’épée !

 La Rosière républicaine ou la fête de la vertu Kammerorchester Berlin

Niccolò Piccinni, 1728 – 1800

En Juin 1784, Marie-Antoinette accompagne à l’Opéra le Roi Gustave III de Suède pour voir la « Didon » de Piccinni. L’Anglaise Mrs Cradock qui voyageait alors en France et tenait un journal de son séjour de 1783 à 1786, après avoir déploré que l’on vende les billets plus chers en raison de la présence de la Reine ce soir-là, observe :« La Reine était vis-à-vis. J’étais contente de m’être mise en toilette quoique ce ne soit pas ici l’usage en général (déjà !)… on jouait Didon de Piccinni. Mme Saint-Hubert y remplissait le rôle de Didon et s’y surpassa. S.M.de Suède semblait prendre grand plaisir à l’entendre, car il donna plusieurs fois le signal des applaudissements ».

Piccinni par Hippolyte Pauquet

Qui est donc Niccolò Piccinni ? Le professeur de chant de Marie-Antoinette, nommé en 1776 et directeur du Théâtre-Italien.
Il est Napolitain, formé par Leonardo Leo et Francesco Durante, professeurs de renom, et compositeur très jeune. Comme Leonardo Vinci, il écrit un Alexandre aux Indes (Alessandro nell’Indie) sur un livret de Metastase dès 1758, qu’il remaniera en 1774. Il compose La Cecchina en 1760 d’après une œuvre de Goldoni qui obtient un immense succès dans toute l’Europe. Son œuvre représentera une cinquantaine de pièces lyriques et surtout des opéras bouffes. Il compose son opéra français Roland en 1778. Et là, Gluck étant à Paris aussi, leur affrontement éclate au grand jour entre 1779 et 1781 avec « leurs » 2 Iphigénie en Tauride, Piccinni est soutenu par les Encyclopédistes mais Gluck gagnera la partie…

Si en 1784 la Didon de Piccinni fait l’unanimité entre la ville et la Cour, ce sera un fait de plus en plus exceptionnel !

La querelle va éclater entre la Cour et Paris : ce qui sera encensé à la Cour sera décrié à Paris et vice versa !

Le summum de la discorde sera vécu en 1785 avec le Dardanus de Sacchini applaudi à Fontainebleau et froidement accueilli à l’Académie royale, tandis que le Richard Cœur de Lion de Grétry, malmené à la Cour, triomphe à Paris ! Cela se reproduira une vingtaine de fois où l’opposition parisienne à la Reine se manifestera ainsi allant même jusqu’à la siffler en 1787 au Théâtre Italien. Pourtant, l’intérêt porté par la Reine à la musique ne se démentira pas, même si elle est obligée de moins se montrer en public.

La révolution couve et le verra emprisonné. Piccinni connaîtra d’autres batailles musicales avec Salieri et Sacchini. Il quittera Paris pour Naples puis Venise mais il reviendra à Paris où Bonaparte le nomme au Conservatoire. Sa santé est déclinante, il ne pourra assumer sa charge. Il mourra à Passy en 1800.

Iphigénie en Tauride Katia Ricciarelli

Johann Christian Bach, 1735 – 1782

Jamais facile d’être le fils de son père…surtout quand on est le dernier fils !

Dix-huitième enfant de Jean-Sébastien, onzième de Anna-Maria-Magdalena, onzième fils !

Bach a 50 ans quand il naît. Il tient à suivre sa formation musicale et écrit, sans doute à son intention, le 2ème clavier du Clavecin bien tempéré.

A la mort de son père, il est recueilli par son demi-frère Carl-Philipp-Emanuel à Berlin qui complète sa formation au clavecin et à la composition pendant 5 ans.

Portrait de Johann Christian Bach par Gainsborough (1776)

Puis, peut-être pour suivre une jeune chanteuse italienne, il part en Italie en 1754 ! Surprise ! Aucun Bach ne s’était, à ce point, rapproché… du style italien même s’ils avaient tous recopié de la musique italienne, Monteverdi et Vivaldi !

Son écriture s’éloigne progressivement mais radicalement du style allemand : toute la famille lui en voudra ! De plus, devenu second organiste de la cathédrale de Milan, il compose de la musique sacrée et il se convertit au catholicisme : « Schockierend » dit la famille !

Il se lance même dans l’opéra en 1761 avec un Artaserse, sujet fort exploité à l’époque. Sa réputation devient internationale et une première commande d’Angleterre le fait partir à Londres où il s’établit. Il devient le « Bach de Londres » comme ses frères avant lui étaient devenus le « Bach de Bückeburg » pour Johann Christoph Friedrich et avant lui, Carl Philipp Emanuel, le « Bach de Berlin » !

Il est nommé, en 1762, maître de musique de la Reine Sophie Charlotte, épouse de George III, titre qu’il gardera jusqu’à la fin de sa vie à condition de ne publier qu’en Grande-Bretagne.

Il donne des cours de composition à Mozart qui a 8 ans alors et qui plus tard s’inspirera de 3 de ses sonates pour écrire des concertos pour piano.

Il devient la coqueluche de Londres. Il fonde une société de concerts avec son ami Abel et introduit le pianoforte. Il donne un concert sur ce nouvel instrument qui suscite la curiosité et il se met à en exporter !

Son style est varié, passionné, contrasté, bref, il « décoiffe » les perruques de l’époque ! On peut, peut-être, lui reprocher de s’être contenté de cela sans beaucoup évoluer ensuite.

Avec son ami Abel, il adhère à la Franc-Maçonnerie en 1772.
Il épouse une chanteuse italienne en 1773 et continue à rencontrer des succès à Londres jusqu’en 1778.

Après Mannheim en 1772 puis en 1776, il est invité à Paris pour lequel il compose « Amadis de Gaule » mais qui ne remportera pas un grand succès. Par contre, il y retrouve Mozart en Août 1778 pour quelques jours de travail ensemble, Mozart ayant 22 ans alors et ayant composé nombre d’œuvres marquées par l’influence de Johann Christian Bach.
Il rentre à Londres et après un dernier succès voit sa santé décliner et sa situation financière se dégrader. Il meurt à 47 ans en 1782 sans descendance. Mozart dira en guise d’oraison funèbre : « Quelle perte pour la musique !»

Il laisse un catalogue de 360 œuvres dont une petite trentaine d’opéras, de la musique sacrée, un oratorio, des concertos, des recueils de symphonies et de la musique de chambre qui seront encore jouées une quinzaine d’années puis s’effaceront progressivement des programmations de concert au profit du Romantisme naissant.

Pas mal pour un enfant dont son célèbre père disait : « Mon Christian est un gamin fort sot et c’est la raison pour laquelle il aura des succès dans le monde ! »

3 Concertos pour piano par le Hanover Band