Paris 1752… la saga !
Episode 5 – Mercredi 26 juillet, La Française
Georg Philipp Telemann, 1681 – 1767
Louis-Gabriel Guillemain, 1705 – 1770
La Française, Direction Aude Lestienne
Telemann fut célèbre de son vivant et l’est encore maintenant mais le XIXème siècle l’a ignoré. Ce qui n’est pas le cas de Guillemain qui fait partie des oubliés ! Pourquoi avoir négligé l’apport de Guillemain alors qu’il fut un compositeur brillant ?
Une injustice de l’histoire musicale que nous allons réparer grâce à l’ensemble La Française.
Georg Philipp Telemann, 1681 – 1767
Encore un surdoué ! A 10 ans, faisant sans doute partie d’une maîtrise, il apprend, seul, à jouer de tous les instruments, violon, flûte, clavecin cithare etc… Il compose ses premières œuvres et à 12 ans, un opéra, Sigismund ! Puni ! Les instruments sont confisqués et sa mère le met vite en pension !
Las, rien ne peut contrarier une véritable vocation, il participe aux services religieux ou aux fêtes municipales, mais, pour faire plaisir à sa mère, il entame de solides études de droit en 1701 et… continue à griffonner des partitions qu’un de ses camarades trouvera, l’encourageant à poursuivre dans cette voie. Ce qu’il fera donc.
Il fonde le « Collegium musicum » dans son université à Leipzig pour une quarantaine d’étudiants, est organiste de la Neukirche, devient Directeur musical à 25 ans à l’Opéra de Leipzig, se rend en Pologne à la Cour du Comte de Promnitz à Sorau, s’y marie en 1709 mais devient veuf rapidement , compose 200 ouvertures pendant son séjour, puis à la Cour d’Eisenach, de 1717 à 1730, y fonde un orchestre comme partout où il passe. Bref il vit sur des chapeaux de roues… de carrosses à l’époque !
Il arrive à Francfort à 30 ans pour y devenir Kappellmeister puis directeur musical de la ville, s’y remarie avec une jeunesse de 16 ans qui lui donnera 8 enfants, mais le quittera 16 ans plus tard. On essaye de le retenir avec un salaire élevé sans succès, car il repart pour Leipzig et s’établit, enfin, à Hambourg à près de 40 ans où il espère bien rester jusqu’à la fin de ses jours !
Il fera une exception pour Paris, en 1737 où il se remettra du départ de sa femme, car il y sera fêté, et ses œuvres seront jouées au Concert Spirituel. Mais il vient surtout pour défendre ses intérêts d’auteur et obtient un privilège de 20 ans pour l’impression de ses œuvres.
Son rythme de vie effréné se traduira dans sa soif de composer !
6000 œuvres ! 3700 nous sont parvenues ! 25 œuvres lyriques, 249 passions, 18 oratorios, 1800 cantates, des messes, des magnificat, des centaines d’œuvres instrumentales, ce qui ne l’empêchait pas de cultiver des tulipes et des jacinthes que Haendel lui envoyait !!!
Il meurt à 86 ans et on l’oublie pour un siècle !
Louis-Gabriel Guillemain, 1705 – 1770
« Lorsqu’on parle d’un homme plein de feu, de génie et de vivacité, il, faut nommer Mr. Guillemain, ordinaire de la Musique du Roi, c’est peut-être le violon le plus rapide et le plus extraordinaire qui se puisse entendre ; sa main est pétillante, il n’y a point de difficultés qui puissent l’arrêter, et lui seul en fait naître dans ses savantes productions qui embarrassent parfois ses rivaux. Ce fameux artiste est parmi les plus grands maîtres un des plus féconds, et l’on convient que ses ouvrages sont remplis des beautés les plus piquantes. »
Ce jugement élogieux d’un de ses contemporains, Pierre-louis Daquin de Château-Lyon, décrit un compositeur admiré de son temps. Et pourquoi a-t-il disparu ensuite ?
Ses œuvres furent nombreuses : dix-huit opus entre 1734 et 1762.
Il fut soutenu, aidé, encouragé par nombre de nobles de la Cour de Louis XV qui lui permirent cette reconnaissance dès ses premières compositions et ses premiers emplois à Lyon en 1729 ou à Dijon en 1734 où il est nommé premier violon pour le marquis de Bourbonne, qui l’encourage à aller se former à Turin. Ses premiers livres de sonates lui seront dédiés.
Il « monte » à Paris et est reçu en 1737 musicien « ordinaire de la musique de la Chapelle et de la Chambre du Roi » où il est fort bien payé, mieux que le célèbre Guignon, violoniste comme lui.
Il joue dans l’orchestre du théâtre de la Marquise de Pompadour.
Il y est remarqué par le grand-maître de la Chapelle du Roi, Monseigneur de Vauréal à qui il offre son Œuvre IV en 1739, son troisième « mécène », ainsi que par Anne-Louis de Thiard, marquis de Bissy qui l’accueille avec le même enthousiasme. Celui-ci en sera remercié par son IIème livre de Sonates à deux violons sans basse et son Œuvre V. Son succès est incontestable et ses œuvres sont jouées non seulement à la Cour mais aussi au Concert Spirituel.
Ses 18 opus sont de natures très différentes les uns des autres, soit très virtuoses soit moins audacieux. Dans ses quatuors, il donne une part égale aux instruments, mais dans son opus 13, il donne un rôle secondaire au violon par rapport au clavecin comme l’a fait Mondonville que nous croiserons bientôt. Il introduit la découpe à l’italienne dans ses symphonies, vif-lent-vif, que l’on retrouvera généralisé par la suite et compose un ultime « Amusement pour violon seul » en 1762.
Alors, pourquoi cette disgrâce ? Parce que Guillemain est victime de son goût du luxe ! Il est criblé de dettes et là, malgré ses protections nombreuses, les créanciers ne veulent rien savoir. Il est obligé de faire vendre les meubles de son épouse à la criée… et ils vont errer de location en location de plus en plus petites qu’ils ne pourront payer.
Il est toujours premier violon du Roi, le symphoniste le mieux payé mais, malgré des revenus conséquents, il contracte des dettes nettement supérieures à ses moyens et demande avances et délais qui n’arriveront pas à le remettre à flots.
Il sombre dans la dépression et l’alcoolisme.
On le retrouvera sur la route de Versailles, transpercé de coups de couteau, sans doute acculé au suicide.
Fin de vie misérable pour ce si brillant musicien ! Cela lui vaut-il pour autant l’oubli de la postérité ?
Telemann, Un quatuor parisien par les Ambassadeurs
Guillemain, Symphonie nº6