"Un monde sacré !", à la rencontre des musiciens du Festival 2025

Les Ambassadeurs Hans Holbein le Jeune (détail) 1533

En 2024, nous avions évolué dans les paysages champêtres et montagnards au son des fifres et tambourins au milieu des bergers, au gré des symphonies pastorales et tableaux que la nature et les artistes nous avaient offerts.

Cette année, pour notre 16ème Festival, nous montons plus haut et atteignons les sphères célestes et ce qu’elles ont inspiré aux compositeurs qui ont su, par leur inspiration et leur talent sans limites, nous élever vers le sacré.

Il faut vous préparer à apprendre de nouveaux noms de musiciens qui enrichiront votre dictionnaire de musicologues déjà avertis et revoir votre latin !

Par la diversité des œuvres, nous évoluerons au travers des musiques les plus célèbres de la Renaissance mais surtout nous découvrirons aussi des artistes peu connus qui, éveillant notre curiosité, nous feront passer de la musique sacrée à une… « sacrée musique » !

Episode 8

Stabat Mater de Vivaldi - 1712

Un quart de siècle sépare ces 2 Stabat Mater.

De 1703 à 1739, Vivaldi compose de très nombreuses œuvres sacrées pour l’Ospedale Santa Maria della Pietà. Accueillant des jeunes filles pour leur donner une éducation parfaite, cet hospice a une vocation particulièrement musicale et sous la conduite de Vivaldi, son orchestre, son chœur et ses solistes font courir tout Venise pour les écouter. Vivaldi y enseigne le violon et la musique instrumentale et fait chanter ses jeunes élèves aux voix de soprano et contralto qui conviennent parfaitement à ses partitions. Pendant le Carême, après le Carnaval, les opéras sont fermés et l’on donne alors dans les églises des œuvres des compositeurs les plus renommés. En 1712, Vivaldi n’a pas encore écrit son premier opéra mais son Stabat Mater exprimant déjà toute la douleur et la souffrance de la mère du Christ devant la crucifixion de son fils en annonce l’écriture prochaine.

Le texte pourrait avoir été compilé au XIIIème siècle par Jacopone da Todi pour fêter Notre Dame des douleurs ou Mater dolorosa chaque 15 Septembre.

Une nouvelle image de la Vierge se répand alors. Elle n’est plus la miséricordieuse, bienheureuse ou triomphante intercesseuse, mais une mère affligée, accablée par la mort de son fils, le cœur transpercé par une épée. (Luc, II, 35). Nombre de peintres et sculpteurs l’ont représentée ainsi.

Le Stabat Mater sera exécuté pour la première fois à Brescia, ville natale de son père le 18 Mars 1712 dans l’église de Santa Maria della Pace. Sans doute fut-il chanté par un castrat car les femmes étaient peu ou pas autorisées à chanter dans les églises. Pourquoi ne fut-il pas créé à Venise ? Parce qu’à l’Ospedale, la musique est régie par le sévère Francesco Gasparini qui apprécie peu la légèreté et les innovations musicales du Prêtre Roux… ni ses distances vis-à-vis des rites sacrés, lui qui a demandé à être dispensé de dire la messe, dit-on !!!!

Dans cette œuvre, pourtant, il fera preuve d’une foi profonde et d’une grande spiritualité.

Son Stabat Mater est de dimension plus réduite que celui de Pergolèse. Composé en fa mineur, comme celui de Pergolèse, il comprend 9 mouvements reliés en 3 groupes de 3 au tempo lent sauf l’allegro de l’Amen.

Tombée dans l’oubli ensuite, comme son compositeur, cette œuvre ne sera redécouverte et redonnée qu’en 1939, à Sienne, lors de la Settimana Vivaldiana.

Stabat Mater de Pergolèse - 1736

Nous connaissons déjà Giovanni Battista Pergolesi au Festival car en 2023, il nous avait charmés avec sa Servante Maîtresse et sa rouerie !

Mais avec son Stabat Mater nous abordons sa dernière œuvre avec tout le recueillement qu’il convient devant la douleur de la Mère du Christ au pied de la croix.

Pergolèse naît en 1710 à Jesi dans les Marches. Il tient son nom du lieu de résidence de son grand-père, Pergola ! Son père est géomètre -ou agronome selon les biographes- chez un architecte qui l’aurait aidé à rentrer au Conservatoire dei Poveri di Gesù Cristo de Naples à 13 ans. Cette institution a accueilli de nombreux musiciens et formé les plus grands castrats tels Porpora et Farinelli.

Sa formation musicale est faite par les compositeurs célèbres à Naples, Francesco Durante et Leonardo Vinci. Il apprend aussi le violon et le chant.

Dès 1731, Il écrit sa première messe Li Prodigi della grazia nella conversione e morte di San Guglielmo duca d’Aquitania. Sujet sérieux s’il en est que celui de la conversion du duc par Bernard de Clairvaux ! S’étant repenti de tous ses péchés, le duc, devenu saint ensuite…, part en pèlerinage, ayant légué tous ses biens et son pouvoir à sa fille Aliénor âgée de 13 ans qui en fera le meilleur usage, comme l’Histoire nous l’a appris !

Le succès est tel qu’on lui commande un opéra. Ce sera Salustia, mais là, le succès n’est pas au rendez-vous. Par contre, sa comédie musicale, la première du genre, Lo frate’nnamorato -lefrère amoureux- écrite en dialecte napolitain est beaucoup mieux reçue. Il devient alors maître de chapelle du vice-roi de Naples. Sa carrière est lancée ! Les commandes affluent de la Cour de Naples comme de toutes les Cours européennes.

Il compose en 1733, son intermezzo, la Serva Padrona. Petite pièce burlesque destinée, à l’origine, à distraire le public au milieu des opere serie, au cœur de la Querelle des bouffons, elle connut le succès des plus grands opéras !

De santé fragile, atteint de tuberculose, il compose pourtant son dernier opéra Il Flaminio. Il se retire au Couvent des Capucins de Pouzzoles, écrit son Salve Regina et son Stabat Mater, son œuvre sans doute la plus célèbre qu’il ne pourra écouter, emporté par la phtisie à 26 ans.

Le Stabat Mater qui relate les souffrances de la Vierge au pied de la croix, correspond à une pratique dévotionnelle bien établie dans le contexte religieux de l’époque. On ne sait pas exactement quelle confrérie a demandé cette œuvre à Pergolèse ni pour quelle occasion. Mais la commande qui lui est faite en 1734 est très précise, en référence à celui de Scarlatti, très renommé à cette époque. Il doit être chanté par deux chanteurs seulement (soprano et contralto), alternant airs et duos, accompagnés par un ensemble de cordes à petit effectif, à savoir 2 violons, 2 altos, basse et basse continue. Il va écrire là son chef d’œuvre incontesté.

Dès l’introduction, nous sommes plongés dans une atmosphère feutrée et recueillie qui amène vers l’entrée des voix qui se déploient dans toute l’œuvre en s’enroulant l’une autour de l’autre. Qualifié par Jean-Jacques Rousseau de duo « le plus parfait et le plus touchant qui soit sorti de la plume d’aucun musicien ». Jusqu’au bout règnent une douceur dans la gravité, une tendresse et une quiétude qui atténuent la souffrance contenue dans les paroles.

Il est émouvant de noter qu’à la fin de son manuscrit à la page 37, il rédige ces quelques mots : Finis Laus Deo. Quelle interprétation en donner ? Fin, Dieu soit loué ? Une simple action de grâce ou un homme qui sait ses jours comptés et remercie Dieu d’avoir pu achever, à temps, son œuvre ?

Conclusion

Ce 16ème Festival Valloire Baroque vous a permis de découvrir, avec ses compositeurs souvent oubliés de nos jours, la musique de la Renaissance, qui est une sacrée musique ! Elle accompagne les grands bouleversements de la pensée fortement influencés par l’humanisme et les grandes découvertes géographiques et scientifiques. Elle s’attache à rechercher les nouvelles harmonies que la musique baroque enrichira avec éclat dans les siècles suivants.

Marie-Hélène Finas Juillet 2025

Compositeurs au programme du Festival Valloire Baroque 2025

Alfonso el Sabio

Guillaume de Machaut

Johannes Ciconia

Guillaume Dufay

Johannes Ockeghem

Antoine Busnois

Loyset Compère

Heinrich Isaac

Pierre de La Rue

Josquin des Prés

Jean Mouton

Bartolomeo Piombino

Philippe Verdelot

Constanzo Festa

Clément Janequin

Luys de Narvaez

Thomas Crecquillon

Pierre de Manchicourt

Giovanni da Palesrina

Filippo Azzaiolo

Orlando di Lasso

Carlo Gesualdo

Eleonora Duarte

Giovanni-Battista Vitali

François Couperin

Georg Philip Telemann

Johann Sebastian Bach

Georg Friedrich Haendel

Joseph Hector Fiocco

Giovanni Battista Pergolesi

Giovanni Battista Ferrandini

Charles Joseph van Helmont

Joseph Dall’Abaco

1221-1284

1300-1377

1370-1412

1397-1474

1420-1497

1430-1492

1445-1518

1450-1517

1450-1518

1450-1521

1459-1522

1470-1535

1480-1552

1485-1545

1485-1558

1500-1547

1505-1557

1510-1564

1525-1594

1530-1569

1532-1594

1566-1613

1610-1678

1632-1692

1668-1733

1681-1767

1685-1750

1685-1759

1703-1741

1710-1736

1710-1791

1715-1790

1710-1805